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Missions impassibles

L'Est de la Bolivie est une région à part. Plus riche que le reste du pays en raison des hydrocarbures qui se trouvent dans son sol, plus autonome (du moins c'est ce que les dirigeants locaux demandent), plus verte aussi. On est ici au bord de la forêt amazonienne, loin des sommets andins.
La ville qui incarne cette différence, c'est Santa Cruz, capitale économique du pays. On y est arrivé en plein carnaval. Contrairement aux autres villes qu'on a pu voir, ici on s'arrose à coup de pistolets à eau mais aussi avec de la peinture (encore une manière de se différencier!) Dans les rues on a assisté un peu malgré nous à un paint-ball géant: les jeunes se promènent en bande avec des tuniques colorés, armés de gros fusil en plastique et s'aspergent de peinture plus ou moins indélébile. C'est marrant quand on a une tunique, un peu moins quand on est deux pauvres touristes pas vraiment au fait des traditions! 
De la ville, on n'a pas vu grand chose, tout était fermé et la place centrale était même interdite aux guerriers ripolinés. De toute manière ce n'était qu'une étape vers le far est. Là d'autres missions nous attendaient!

Des missions jésuites pour être précis. Allez savoir ce qui est passé par la tête des missionnaires qui sont allés se perdre dans cette région reculée et éloignée de tout aux 17e et 18e siècles. Il paraît qu'elle était sur la route d'El Dorado. Faute de trouver l'or, ils en ont mis dans leurs églises. Une dizaine en tout dans toute la région des Chiquitos.
Constructions atypiques qui dénotent totalement avec l'architecture locale. Elles trônent sur la place principale de chaque ville, avec de grands toits de tuiles et des piliers en bois qui leur donnent des allures de châlets suisses.
On avait envie de sortir des axes touristiques, on a été servi. Pour admirer ces églises, nous avons accompli plusieurs missions.

Mission 1: Entrer dans l'église
Concepcion, à 5h de route de Santa Cruz.
La ville est d'un ocre immaculé. Le sol en terre battue, les maisons couleur terre... le tout auréolé d'un ciel bleu éclatant ou gris menaçant, on a vu les deux. Là aussi, c'est carnaval quand on arrive et la ville est comme anesthésiée par la moiteur et par la fatigue de trois jours de fête. Seuls quelques jeunes trouvent encore le courage de danser sur la place principale tandis que les autres font la sieste dans les cours intérieures. Vu qu'on a déjà donné côté carnaval, on se rend directement à l'église et son cloître. Quatre ou cinq religieuses vivent encore ici.

Le bâtiment est intrigant avec son grand toit en pente, ses piliers torsadés et sa façade décorée avec des motifs qu'on retrouve sur tous les murs de la ville. A côté de l'église, un clocher en bois, plus décoratif qu'actif. 

Mais c'est tout ce qu'on peut voir car pour entrer il faut soit attendre la messe de 19h30 soit passer par le musée. Comme il s'apprête à fermer, on opte pour la première solution.

 

De nuit, l'église est encore plus impressionante. Dès l'entrée on est attiré par les dorures du retable dans le choeur. Plusieurs tableaux enchassés dans un immense panneau brillant qui tranche avec l'obscurité ambiante. Le reste de l'église est plus sobre et sombre. Le bois est partout: charpente, piliers, bancs...

 

 

 

 

 

 

Il faut dire qu'il y a de quoi faire dans les environs. La forêt alentour est l'une des seules ressources de la région. La forêt, c'est aussi le décor du chemin de croix et dans cette version bolivienne, les soldats romains sont remplacés par des guerilleros en treillis et Jésus croise des chasseurs de puma... Nous on a bien des santons provençaux, alors pourquoi pas!

 

 

Mission 2: Le jeu des 7 différences à San Ignacio

San Ignacio, 6h de bus depuis Concepcion. 
Rien ne ressemble plus à une église baroque qu'une autre église baroque, surtout   quand elles ont été construites à la  même époque sur le même modèle. L'église de San Ignacio de Velasco ressemble donc fortement à celle de Concepcion. Même toit pentu, mêmes piliers taillés dans des arbres du coin, même disposition...

On ne peut s'empêcher de comparer: dans celle-ci il y a un Christ volant, une chair aussi, mais le rétable est moins doré, l'église est plus petite, le clocher plus moderne...

 

Chaque église a ses particularités, exacerbée lors de leur restauration dans les années 70. Des travaux menés par un architecte suisse, Hans Roth qui a consacré l'essentiel de sa vie à rénover les églises de l'est bolivien avec la population locale.

 

 


 

 

 

 

 

On est arrivé à San Ignacio de nuit dans une ville déserte. Le jour en revanche, les rues sont très animées: boutiques en tous genres, marché central, motos taxis qui bourdonnent dans toutes les directions.

 



Mission 3: Trouver à s'occuper à Santa Ana quand il pleut des cordes

Santa Ana, 2h de bus depuis San Ignacio
On ne vient pas à Santa Ana par hasard. Nous on avait une bonne raison: voir l'église; mais on pensait qu'il y avait quand même d'autres choses à faire dans ce village. On aurait dû se poser des questions quand le bus nous a posé, seuls, sur la place centrale.  Un hôtel, pas de restaurant ouvert faute de clients... Pour une immersion, c'est une sacrée immersion. Voire une immersion sacrée. L'église n'est pas ouverte là non plus. Une famille du village a les clés depuis plusieurs dizaines d'années et il faut les trouver eux avant d'espérer pousser la porte. On demande donc à droite à gauche et on finit par trouver leur maison, au bout du village. La fille de la maison nous fera donc la visite. 


Ici les jésuites n'ont pas eu le temps de terminer la construction de l'édifice (ils ont été chassés avant) et ce sont les habitants qui ont pris en charge la fin des travaux au 18e. Ils sont donc très fier de leur église aujourd'hui, d'autant qu'ils ont contribué à sa restauration il y a 30 ans.   En revanche, elle ne doit pas servir tous les dimanches car il y a plus de chauve-souris  sous le toit que d'habitants dans la ville. L'intérieur est très épuré, sobre, sans dorure mais avec un orgue du 18e restauré. Ce sont les jésuites qui l'ont amené ici et qui ont enseigné la musique à la population. Aujourd'hui il reste une école de musique à Santa Ana comme dans les autres missions, et surtout, un festival international de musique baroque qui se déroule tous les deux ans (cette année de fin avril à début mai) et qui accueille des orchestres du monde entier. Les concerts se déroulent bien sûr dans les églises. 

Quand on sort de l'église, la pluie se met à tomber, saison des pluies oblige. On rentre à l'hôtel et sous le patio, en regardant les rideaux de pluie, on pense aux promenades qu'on va pouvoir faire quand la pluie aura cessé.  
Comme cette cruche de Perrette misant tout sur son pot à lait, nous rêvons à la végétation luxuriante, au soleil et aux odeurs d'humus. Mais à 19h, la nuit tombe et nos espoirs sont brisés. Pas de pot: la pluie continue de tomber. Adieu balade, arc-en-ciel et bananiers.
Une nouvelle mission se profile: trouver à manger dans ce bled où nous sommes les seuls étrangers. Au bout de trois portes fermées, on se rabat sur une épicerie où l'on dégote une boîte de sardines à la tomate, du pain et des biscuits  une épicerie. De là à dire que notre périple dans les missions se termine en queue de poisson...

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